Collection : Les essentiels

L'eau de pluie,
une amie qui refait surface

Qu’est-ce que la ville perméable ?
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Quels sont les avantages de la gestion durable des eaux pluviales ?
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Pourquoi impliquer tous les acteurs de l’eau ?
Le contexte

Pourquoi faut-il limiter l’imperméabilisation des villes ?

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de l’eau de pluie ruisselle dans un espace urbain dense, du fait de l’imperméabilité des sols et de leur faible capacité d’infiltration. Dans un espace naturel, seulement 10 % des eaux de pluie ruisselle. Source : Ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, 2017

Un changement de paradigme à consolider

Le « tout-tuyau », hérité de la pensée hygiéniste du xixe siècle et de l’approche hydraulique de l’après-guerre, est obsolète. Les tensions liées à l’urbanisation et au changement climatique obligent les gestionnaires à opter pour de nouveaux modèles.

La spécificité de l’eau en ville est qu’elle s’inscrit tour à tour pour l’aménagement comme une contrainte (emprise importante à céder face aux stationnements ou à la mobilité, difficulté de gestion et coût financier important), comme un vecteur d’activité (ports, quais) mais aussi comme une ressource et une opportunité (réutilisation pour l’arrosage et l’irrigation, transformation du paysage vers des quartiers plus apaisés, etc.).

Les missions du service public

de gestion des eaux pluviales consistent en la collecte, le transport, le stockage et le traitement des eaux pluviales des aires urbaines. Après des décennies de solutions de gestion enterrées, des techniques dites alternatives aux réseaux d’assainissement sont désormais préconisées pour l’aménagement des villes.

L’urbanisation et le risque inondation par ruissellement qu’elle induit,

la dégradation progressive des milieux aquatiques, ainsi que les effets du changement climatique obligent les collectivités à s’orienter vers des solutions fondées sur la nature.

Il s’agit d’élaborer des actions

qui visent à protéger, gérer durablement et restaurer les écosystèmes naturels. Ainsi, la gestion des eaux pluviales à la parcelle, c’est-à-dire au plus près de là où elle tombe, et l’infiltration à la source sont-elles mises en oeuvre dans ces nouveaux principes d’aménagement et construction qui permettent de créer des espaces multifonctionnels bénéfiques, non seulement du point de vue hydraulique mais également pour la santé, la préservation de la biodiversité, la renaturation des sols et l’amélioration du cadre de vie. Un jardin de pluie sert, par exemple, à la fois à infiltrer les eaux de pluie dans le sol, et également à aménager l’espace public en améliorant le cadre de vie.

Pour autant, cette gestion intégrée des eaux pluviales peine à se généraliser.

Les premiers freins énoncés sont liés au contexte réglementaire. La gestion des eaux pluviales est une compétence distincte de l’assainissement et qui s’exerce différemment selon la nature de l’Établissement public de coopération intercommunale (EPCI) : métropole, communauté urbaine, d’agglomération et de communes. La gestion des eaux pluviales doit s’inscrire dans les politiques locales de l’eau intégrant la gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations (Gemapi), compétence transférée obligatoirement aux EPCI en 2018 (loi Maptam).

Des leviers d’action existent

pour créer des synergies et s’engager dans une gestion durable des eaux pluviales en ville.

Les enjeux

Comment ne plus faire
« contre » mais « avec » l’eau pluviale ?

ha
à 30 000 ha sont artificialisés chaque année en France, soit l’équivalent du département de Seine-Saint-Denis (93) ou du Val-de-Marne (94). Source : La lutte contre l’artificialisation des sols, fiche du ministère de la Transition écologique, novembre 2021

Des pratiques adaptées à toutes les échelles des territoires

Pour que l’eau pluviale ne soit plus perçue comme un risque, mais comme un atout de développement

Plusieurs agglomérations et métropoles se sont engagées dans une gestion des eaux de pluie à la source pour réduire le ruissellement, diminuer la pollution des cours d’eau et le risque inondation.

Ces collectivités ont porté leurs efforts

sur des projets pilotes dans des îlots, des friches, des espaces à réaménager ou réhabiliter. La désimperméabilisation d’une cour d’école, la déconnexion des toitures d’un quartier résidentiel des réseaux d’assainissement sont souvent les premiers projets mis à exécution.

Il est nécessaire d’élaborer des principes d’aménagement

à l’échelle d’un territoire communal ou intercommunal. L’objectif est de réintégrer l’eau dans le paysage urbain afin d’apprendre à vivre avec, grâce à des actions prioritaires :

  1. Lutter contre l’imperméabilisation afin de réduire le risque inondation et la pollution des milieux aquatiques.
  2. Réintroduire la nature en ville afin de freiner les écoulements et infiltrer les eaux dans le sol, ce qui participe à un meilleur cycle naturel de l’eau.
  3. Promouvoir les cobénéfices des solutions fondées sur la nature : préservation de la biodiversité, amélioration du cadre de vie des habitants, bonification des qualités de l’eau et de l’air et diminution du phénomène d’îlot de chaleur.

La politique de gestion « avec » l’eau pluviale

peut s’enclencher grâce à un travail de cartographie des zones à potentiel d’infiltration. Une démarche propre à chaque territoire, respectant les usages des citoyens, est ensuite élaborée à partir d’un diagnostic afin de définir une stratégie et un plan d’action.

Les actions à mener doivent s’inscrire dans des méthodes durables

afin d’atténuer les effets de l’imperméabilisation, et notamment le ruissellement. Par exemple, l’utilisation de noues d’infiltration, pour collecter et évacuer les eaux de pluie, est inscrite dans grand nombre de guides de bonnes pratiques liées à la gestion durable de l’eau pluviale, comme ceux de Bordeaux Métropole (33) ou du Grand Lyon (69).

Les espaces privés, logements individuels et collectifs, parkings et bâtiments

peuvent contribuer à cette gestion intégrée par l’installation de toitures ou murs végétalisés, par la récupération des eaux de pluie, via une cuve enterrée ou un jardin de pluie, et l’alimentation directe vers des aménagements végétalisés.

Dans les zones peu denses,

les méthodes naturelles sont également à promouvoir. L’adaptation du bâti aux conditions environnementales locales (topographie, géologie, hydrologie, etc.) réduit les impacts sur le milieu naturel et préserve les fonctionnalités d’infiltration et d’écoulement des eaux.

Votre stratégie

Quelles sont les étapes vers la ville perméable ?

Nombre d’actions du plan national sur la gestion durable des eaux pluviales. Source : Gestion durable des eaux pluviales : le plan d’action, ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, novembre 2021

Un état de l’art déjà conséquent

Une ville perméable, c’est une ville transparente à l’eau. Elle limite les perturbations occasionnées par le processus d’urbanisation sur le fonctionnement hydrologique naturel grâce à une gestion durable des eaux pluviales.

En privilégiant une réflexion commune à l’échelle d’un territoire adapté, les collectivités sont les chefs d’orchestre d’un changement à conduire dans la fabrique de la ville. L’état de l’art sur la gestion durable des eaux pluviales foisonne de guides incluant la présentation des différents aménagements existants. De grandes villes ont ainsi posé leur politique de gestion à l’échelle de leur territoire : Paris (75) dans son guide du zonage pluvial ou Bordeaux dans le guide des solutions compensatoires. Ces ouvrages détaillent de multiples techniques et présentent des logigrammes, ainsi que des méthodes permettant d’orienter le choix vers un dispositif correspondant au site à aménager.

Des communes toujours plus nombreuses, à l’instar de Libourne (33) ou Chambéry (73), ont ainsi engagé une politique ambitieuse de gestion durable des eaux pluviales.


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Établir une gouvernance : partager un regard sur l’eau pluviale

/Du fait de la répartition législative des différentes compétences liées à l’eau et à l’aménagement de l’espace public, le nombre d’acteurs impliqués dans le choix politique et la stratégie à porter est conséquent. En effet, la compétence « gestion des eaux pluviales urbaines » peut s’adapter à l’assainissement collectif (exemple des réseaux unitaires) ou à la Gemapi1 (exemple d’ouvrages permettant la prévention contre les inondations), et donc à deux acteurs principaux : l’EPCI ou la commune.

/C’est pourquoi un porteur doit être désigné entre les différents services dédiés à la gestion de l’eau. Ce porteur aura la vision politique et le recul technique nécessaires pour déterminer la stratégie à adopter à l’échelle du territoire.

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Penser l’aménagement globalement

/La gestion durable des eaux pluviales correspond à une vision intégratrice de l’aménagement urbain et de l’eau : l’eau pluviale est infiltrée au plus près de son point de chute, pour se rapprocher du cycle naturel de l’eau avant artificialisation des sols.

/Cette vision globale des problématiques à l’échelle des bassins versants favorise les solutions fondées sur la nature et la valorisation de la ressource eau plutôt que l’expansion et l’utilisation traditionnelle des systèmes urbains. Ainsi, penser l’aménagement des villes globalement, en tenant compte des eaux pluviales, rejoint les politiques de résilience des territoires face au changement climatique et les objectifs du Plan national des eaux pluviales du ministère de la Transition écologique lancé en 2021.


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Organiser la transversalité entre services et travailler en mode projet

/La création, au sein de la collectivité, d’une entité ou d’un service dédié à la gestion des eaux pluviales peut faciliter l’organisation technique, économique, environnementale et sociétale.

/Favoriser la transversalité dès la phase de conception des aménagements permet de tenir compte des enjeux liés aux eaux pluviales. En effet, il n’est pas rare que dans une même collectivité, les noues enherbées soient gérées par le service « espaces verts », tandis que les ouvrages hydrauliques sont l’apanage du service « eau », et que les fossés restent fréquemment dans le giron du gestionnaire de voirie, sans oublier les éventuelles délégations de service public. D’où une hétérogénéité du niveau de connaissance et des convictions sur le sujet, susceptible d’entraîner des difficultés dans la mise en oeuvre d’une gestion intégrée de l’eau pluviale.

/Ainsi, bien que cela reste du ressort de l’organisation de chaque commune et EPCI, le travail en mode « projet » pour toute opération, avec l’association des différents services à chaque étape permet la mise en place d’outils, de guides d’information ou de procédures dans l’instruction. Cette structuration est fonL’eau de pluie, une amie qui refait surface • Les essentiels 9 damentale pour faciliter le travail des services et clarifier les rôles respectifs des services assainissement, aménagement et urbanisme.

/Une culture de l’eau est à fonder au sein de la collectivité et même au-delà. Cela passe par la mobilisation de tous les acteurs : élus communaux, services techniques et urbanistes, aménageurs, bailleurs sociaux, maîtres d’oeuvre et entreprises.

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Les solutions fondées sur la nature : des dispositifs éprouvés et fiables

/L’efficacité des techniques inspirées par la nature (toitures et murs végétalisés, noues, jardins de pluie, etc.) souffre encore de nombreux a priori, notamment quant à la difficulté d’entretien.

/À tort, la gestion via un réseau de canalisations est jugée plus simple, alors que son entretien est plus difficile et son état de détérioration ou d’usure beaucoup plus ardu à appréhender du fait de l’enterrement du réseau. C’est le changement des pratiques qui est au coeur des réticences.

/La clé d’un entretien et d’une maintenance facilités est la prise en compte de ces aspects dès la conception des ouvrages et espaces dédiés à la gestion pluviale, qu’ils soient publics ou privés.

/De plus, la multifonctionnalité des espaces et l’éducation des acteurs aux bénéfices écosystémiques que l’on peut retirer d’un tel mode de gestion sont à développer. Ainsi, former et sensibiliser les acteurs aux solutions fondées sur la nature permettent une meilleure intégration des projets.

L’exemple de la Métropole de Lyon


Ces dix dernières années, plus de 2 200 ha ont été artificialisés sur le territoire du Grand Lyon. La Métropole de Lyon est toutefois engagée depuis près de vingt-cinq ans dans une démarche historique de gestion des eaux pluviales dite « à la source ».

La stratégie « Ville perméable » de la Métropole de Lyon s’inscrit dans une vision à long terme de transition environnementale et énergétique, d’adaptation au changement climatique. Elle repose sur cinq piliers : gouverner, outiller, accompagner et sensibiliser, étudier et expertiser et enfin réglementer.

Elle prévoit dans un premier temps de désimperméabiliser ou déconnecter des réseaux d’assainissement 400 ha d’ici 2026. Elle vise à agir tant sur la ville qui se (re)construit (extension et renouvellement urbains) que sur la ville existante, en mobilisant les nombreux services de la Métropole (cycle de l’eau, voirie, maîtrise d’ouvrage urbaine, nettoiement, patrimoine végétal, planification, développement économique, etc.), les autres collectivités du territoire (élus et services techniques) et tous les acteurs de la fabrique de la ville (urbanistes, architectes, bureaux d’études, paysagistes, bailleurs, entreprises, citoyens).

Quels moyens pour rendre la ville perméable ?

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Les surfaces dites imperméables ont augmenté trois fois plus vite Source : étude du Commissariat général au développement durable sur l’artificialisation des sols, 2017

La limitation de l’imperméabilisation et de l’artificialisation des sols constitue le premier levier d’action. En effet, cela produit moins de ruissellement. Cette démarche, présentée dans Sobriété foncière. La clé pour des sols et territoires vivants (Les essentiels, Cerema, 2022), se concrétise par la préservation des espaces naturels et des terres agricoles.

Plusieurs études (Graie, Safège, Infra Services) réalisées au sein de collectivités ont pu démontrer que les coûts d’investissement et de fonctionnement des ouvrages de gestion intégrée des eaux pluviales est inférieur à celui des ouvrages classiques enterrés. En effet, la gestion à la source et en surface nécessite beaucoup moins de terrassements et d’éléments de génie civil. Ainsi, la gestion intégrée cumule les avantages de rentabilité et d’efficience matérielle.

Le Sraddet (Schéma régional d’aménagement et de développement durable du territoire), le PLU (Plan local d’urbanisme) et le ScoT (Schéma de cohérence territoriale) sont les outils de conception et de mise en oeuvre d’une planification stratégique, qui fixent les objectifs et règles établis pour préserver et restaurer les trames vertes et bleues ainsi que les zones humides. Ils constituent des leviers incitant à une gestion des eaux à la source.

Cet outil permet aux collectivités de porter une politique de gestion durable des eaux pluviales. Il détermine les zones où l’imperméabilisation sera limitée et celles où seront mis en place des aménagements améliorant la qualité des milieux aquatiques. Les éditions du Cerema ont publié le guide Zonage pluvial. De son élaboration à sa mise en oeuvre (2020) et l’essentiel Zonage pluvial. Pour une gestion intégrée de l’eau (2021) pour accompagner les techniciens et les collectivités à manier cet outil.

Organiser la désimperméabilisation



Tous les espaces urbains peuvent contribuer à l’infiltration, l’évaporation et l’utilisation de l’eau de pluie. L’eau peut être retenue là où elle tombe, sur une toiture, une cour, un jardin, un trottoir, etc. Il s’agit donc de travailler sur la trame de la ville existante et de rechercher toutes les opportunités possibles à l’échelle de son propre cycle de l’eau. La méthode du Cerema consiste à élaborer un diagnostic cartographique fondé sur le potentiel des sols à infiltrer croisé à l’imperméabilité du territoire afin de définir un plan d’action.



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  • Pour élaborer le zonage et définir les stratégies de gestion durable des eaux pluviales.
  • Pour identifier les espaces urbains à renaturer en priorité en prenant en compte la qualité des sols, les enjeux auxquels ils sont exposés et leur degré de mutabilité foncière.
  • Pour vous aider à sélectionner les espèces d’arbres et d’arbustes les mieux adaptées au climat de demain.
  • Pour intégrer les fonctions des sols dans les documents d’urbanisme.
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Le Cerema est un établissement public qui apporte son expertise pour la transition écologique, l’adaptation au changement climatique et la cohésion des territoires. Grâce à ses 26 implantations partout en France, il accompagne les collectivités dans la réalisation de leurs projets. Le Cerema agit dans 6 domaines d’activité : Expertise & ingénierie territoriale, Bâtiment, Mobilités, Infrastructures de transport, Environnement & Risques, Mer & Littoral.

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